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Et si Rome n'était jamais tombée aux mains des barbares ? Par Pascal Lemaire
IIIème partie La consolidation de l'Empire ( 284 - 305 ) III.1 : Dioclétien face à l'Empire A l'issue de la seconde bataille de Sirmium l'Empire était donc entre les mains de Dioclétien. Cependant il lui fallut encore quelques mois pour que ses légats finissent de pacifier l'Empire. Un Empire que Dioclétien trouvait trop grand pour être géré par un seul homme. Il avait en effet constaté que les plus grands des précédents règnes avaient été ceux d'Empereurs pouvant compter sur des généraux fidèles permettant d'agir sur plusieurs fronts simultanément. Le plus gros problème était que ces généraux, même fidèles, étaient parfois obligés de se déclarer Empereurs, poussés par leurs armées. La principale préoccupation de Dioclétien en ce début de règne fut donc de mettre en place un système de gestion de l'Empire permettant de gérer un territoire allant de l'Atlantique au Tigre et à l'Euphrate, de l'Ecosse aux cataractes du Nil. La récente conquête de la Mésopotamie, et les réorganisations de provinces qui y avaient été réalisées par l'Empereur Probus Parthicus suite à sa victoire, avaient donné des idées à Dioclétien qui commença donc par réorganiser l'Empire. Un certain nombre de provinces qui avaient été scindées en petites entités furent reconstituées, et globalement le nombre de province diminué. A la tête de ces provinces des sénateurs, ayant obligatoirement été prêteurs, assuraient la gestion quotidienne. Leurs fonctions étaient purement civiles, et ils disposaient pour faire régner l'ordre d'unités de vigiles, des forces de police n'appartenant pas au cadre de l'armée, constituées exclusivement d'affranchis. Ces provinces seraient intégrées à des Préfectures, au nombre de 12 : Britannia, Belgica, Gallia, Hispania, Dalmatia, Dacia, Graecia, Asia Minor, Syria, Aegypta, Africa et Mesopotamia. Ces préfectures seraient des postes proconsulaires destinés à permettre une intervention rapide à l'intérieur des frontières en cas de troubles civils : chaque Praefectus disposerait pour se faire d'une légion et de quelques troupes auxiliaires, en fonction de la taille de la préfecture ou de sa proximité avec l'une des grandes frontières. La défense de ces dernières serait assurée par des Duces Limitanei : le Dux Africae, le Dux Mesopotamiae, le Dux Danubii et le Dux Rhenanii. Nommés par l'Empereur, issus de l'ordre équestre, ils disposaient chacun de trois légions et d'unités auxiliaires sous leurs ordres directs, avec le droit en cas de crise de faire appel aux préfets. L'Empereur pour sa part conservait en Italie une armée de 3 légions en plus de sa garde prétorienne et de ses numerii personnels. Au total cela faisait 30 légions dans l'Empire, soit un effectif de près de 180 000 hommes, auxquels venaient s'ajouter près 120 000 auxiliaires, pour un total de 300 000 hommes en armes sur une population totale de 10 à 12 millions d'habitants dans l'Empire. Ce système permettait en théorie d'éviter qu'un Dux rebelle ne puisse vaincre l'Empereur, et surtout assurait une défense permanente des territoires même en cas de guerre civile : Rome pouvait se déchirer en querelles intestines, les barbares seraient maintenus hors de l'Empire. En plus ces légionnaires ne passaient pas tout leur temps dans les camps mais servaient également pour de grands projets d'aménagement comme l'entretient des routes ou l'assainissement des zones marécageuses. C'était également l'armée qui assurait la gestion des mines d'or de l'Empire. Dioclétien devait régner 20 ans, sans apporter de véritables changements à sa politique. La période devait rester dans les mémoires comme une ère de paix, de stabilité et de prospérité, l'Empire n'ayant guère à affronter que des conflits mineurs au frontières. III.2 : La guerre des 3 Duces A la fin de du règne de Dioclétien 4 grands généraux défendaient les frontières de l'Empire. Ces Duces étaient M. Aurelius Valerius Maximianus, Dux Africae, C. Galerius Valerius Maximianus, Dux Mesopotamiae, C. Flavius Valerius Constantius, Dux Danubii et Flavius Valerius Severus, Dux Galliae. Chacun avait acquis la une grande gloire au service de l'Empire, mais c'était Marcus Aurelius Valerius Maximianus, aussi connu sous le nom de Maximien Hercule, que l'Empereur avait désigné pour lui succéder. C'était aussi la raison pour laquelle il lui avait confié le poste de Dux Africae, l'Afrique possédant les frontières les plus calmes ( malgré les raids berbères sortis du désert ) et étant la plus proche de Rome puisqu'il suffisait d'une semaine de navigation depuis Carthage pour rejoindre la capitale. Faire de l'héritier du trône le Dux Africae était aussi naturel car depuis les débuts de l'Empire la province d'Afrique Proconsulaire était considérée comme une province d'exception, qui n'était autrefois attribuées qu'au plus glorieux des anciens consuls comme un couronnement de leur carrière. Lorsque Dioclétien décéda en 305 les Duces Rhenanii et Danubii s'opposèrent cependant à l'accession au trône de Maximien Hercule, qui décida d'aller se faire couronner protégé par ses trois légions et la légion du Préfet d'Afrique, ne laissant derrière lui que quelques unités de cavalerie auxiliaire à ses yeux amplement suffisantes pour assurer la défense du Limes. Embarquant à Carthage, il se rendit immédiatement à Neapolis ( Naples ) d'où il marcha sur Rome. Là les sénateurs l'acclamèrent Empereur, plus par peur que par conviction. Ralliant à lui les 3 légions impériales et la garde prétorienne ( dont la loyauté avait été achetée avec de l'argent prêté par plusieurs sénateurs d'Afrique qui espéraient bien obtenir de fructueux postes une fois leur candidat monté sur le trône ) il se porta immédiatement vers les armées de ses rivaux. Gaius Flavius Valerius Constantius, que l'on appele aussi Constance Chlore, était venu de la frontière Danubienne avec deux de ses légions et les légions des préfets de Dalmatia et de Dacia. Flavius Valerius Severus ( Sévère ) était lui descendu de Gaule avec une légion de la garnison du Limes et la légion du préfet de Gaule, qu'il avait réquisitionnée à Lugdunum ( Lyon ). Maximien Hercule semblait donc avoir l'avantage, avec ses 7 légions augmentées de la garde prétorienne. Cependant les légions d'Italie pas plus que les légions d'Afrique n'avaient l'habitude des batailles rangées : en effet Dioclétien n'était plus sortis d'Italie depuis près d'une décennie, et les combats en Afrique étaient surtout des escarmouches de cavalerie. Les troupes de Gaulle et du Danube en revanche étaient régulièrement confrontées à des raids barbares de plus ou moins grande importance, allant parfois jusqu'à des batailles réunissant 20 à 30 000 hommes sur le terrain. Les deux armées se firent face pendant trois jours, trois jours durant lesquels Constance Chlore parvint à convaincre les légats des trois légions impériales d'abandonner la cause de Maximien Hercule mais sans toutefois parvenir à leur faire changer de camps. En revanche il n'avait pas assez d'or pour acheter la garde prétorienne. Lorsque, le 4ème jour, Maximien décida enfin d'engager la bataille, il eut la mauvaise surprise de constater que les trois légions impériales, qui occupaient un camp distinct de celui des légions d'Afrique, ne sortirent pas de leur camp. Néanmoins il décida d'engager le combat, certain de pouvoir écraser par son talent ses adversaires. Ses 4 légions faisaient donc face à 5 légions appuyées par plusieurs unités auxiliaires, notamment des cataphractaires et des climbanarii venus des garnisons du Danube. Maximien Hercule manquait lui de cavalerie, ayant été forcé de laisser la sienne en Afrique. Pour se protéger il avait donc fait préparer des fossés garnis de piques le long de ses flancs, de manière à se protéger d'une charge de ces cavaliers porteurs d'une lourde armure d'écaille qui couvrait aussi leurs montures. Il avait déployé ses forces sur deux lignes, et conservé la garde prétorienne comme réserve en cas de coup dur. En face les 2 légions des Limes rhénans et danubien étaient en première ligne, les trois légions préfectorales formant une deuxième ligne et la cavalerie étant conservée comme réserve. La bataille commença par un barrage d'artillerie partit de derrière la légion du Limes danubien. Les catapultes et les terribles balistes rapides montées sur chariots firent pas mal de dégâts dans les légions pas assez espacées de la première ligne de Maximien Hercule. Les soldats ne pouvaient s'écarter en raison des fossés, aussi essayèrent-ils de reculer car ils savaient bien qu'un trait de carrobalista pouvait embrocher plusieurs hommes, malgré leurs boucliers ! Maximien pesta car ses légions, étant parties dans l'urgence, n'avaient pas pu emporter leur artillerie. Il avait compté sur les légions impériales pour lui en fournir, mais leur défection l'en avait privé. En outre les artilleurs danubiens étaient considérés comme une unité d'élite depuis l'époque de Trajan. Car la Dacie était la seule province autrefois barbare a avoir disposé d'une importante force d'artillerie, formée par des ingénieurs romains, qui avaient donné bien des soucis à l'Empereur lors de sa conquête de la région, le roi Decebalus ayant érigé de nombreuses forteresses au tours garnies de scorpions que les petroboles romains avaient du éliminer pour permettre à l'infanterie de les prendre d'assaut. Depuis les légions stationnées dans la région mettaient un point d'honneur à disposer des meilleurs artilleurs de l'Empire. Après ce déluge de traits et d'amphores de poix enflammée les légions de Constance Chlore et de Sévère se précipitèrent à l'assaut de la première ligne ennemie. Une fois à portée les soldats lancèrent leurs javelots lourds avec l'espoir que ceux-ci se ficheraient dans les boucliers des hommes de Maximien Hercules, qui seraient obligés de s'en défaire. Les légions africaines, qui n'avaient pas encore retrouvé leur cohésion, répondirent maladroitement en envoyant leurs propres javelots mais il était déjà trop tard, les occidentaux étant déjà au contact. Grâce à l'élan donné par leur course ils bousculèrent les premiers rangs. Très vite ils parvinrent à couper la première ligne et à la rejeter dans les fossés. La seconde ligne de Maximien s'avança alors, mais ne pouvait lancer ses javelots de peur de blesser leurs camarades. Alors que les deux légions de la réserve s'avançaient les trompettes des limitanei sonnèrent et ordonnèrent la retraite. Immédiatement les légionnaires cessèrent de presser leur attaque et entreprirent de se retirer en bon ordre afin de céder la place aux trois légions préfectorales, moins entraînées mais motivées par la victoire de leurs amis. Pendant ce temps la cavalerie, conduite par Sévère en personne, avait contourné les lignes ennemies pour se placer entre le champ de bataille et le camp de Maximien Hercule. Voyant cela ce dernier ordonna à son tour la retraite et entrepris d'ouvrir de le passage à la tête de la garde prétorienne. Celle-ci fit honneur à sa réputation. Les prétoriens étaient des soldats d'élites, recrutés autant en fonction de leur taille qu'en fonction de leur intelligence et de leur expérience. D'ailleurs beaucoup étaient des descendants de barbares et faisaient près de 1m80. Sévère ordonna au cataphractaires de charger, espérant que les longues lances de ces "cavaliers blindés" parviendraient à rompre la cohésion des prétoriens. En fait les chevaux ne galopaient pas, ils en auraient été incapables au vu du poids qu'ils portaient, mais trottaient suffisamment vite que pour faire une forte impression sur l'infanterie qui leur faisait face. Le plan de Sévère était de disloquer l'unité des prétoriens pour pouvoir l'attaquer avec les clibanarii, aussi protégés que les cataphractaires mais portant une lance plus petite et se battant plus à l'épée. Tandis que Constance Chlore avançait avec ses légions, les cavaliers essayaient de briser la cohésion des prétoriens, sans succès. A certain moment Sévère fut jeté au sol par un légionnaire, et mourut piétiné par sa monture affolée. Les cavaliers, sachant qu'il n'était qu'un des généraux et que le second arrivait avec des troupes fraîches, ne fuirent pas et l'un d'entre eux parvint à pourfendre Maximien Hercule qui combattait à pied au milieu de ses hommes. Sa chute fut le signal d'une fuite éperdue. La cavalerie de Sévère était trop lourdement harnachée que pour poursuivre l'ennemi en déroute, qui parvient à se retirer dans son camp. Les pertes africaines avaient été lourdes, près de 5000 hommes, tandis que dans l'autre camp on ne comptait que 300 morts. Mais le plus important était que Constance Chlore était désormais le seul survivant. Le soir même les légats des légions d'Afrique et d'Italie vinrent le trouver, accompagnés par le Préfet de la garde prétorienne. Ensemble ils se prosternèrent : "Imperator, nous te reconnaissons comme notre Empereur". Deux jours plus tard, escorté par une unité de cavalerie auxiliaire, Constance Chlore arriva à Rome où le Sénat le nomma officiellement Empereur, avec bien plus d'entrain qu'il ne l'avait fait pour Maximien Hercule.
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